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Méditation de l’évangile du 5è dimanche de Carême du 21 mars par le P.Xavier Guermonprez

Dans notre cheminement de carême, dans notre passage à une foi nouvelle, Jésus nous parle d’une transformation surprenante: mourir à soi-même pour trouver la vie! Davantage qu’étonné, je suis déconcerté, bouleversé, en entendant ces paroles dans l’Évangile de saint Jean! Et pourtant, tout ce que je crois posséder ne m’est que prêté par dame-nature pour un temps, et même ma vie n’est qu’un pèlerinage sur la terre… Saurons-nous écouter la sagesse de cette vision spirituelle sur le processus de la vie?
Au sommaire:
– introduction de Signes d’Aujourd’hui
– conte en forme de parabole
– texte de l’Évangile
– commentaire personnel
– texte de François Varillon
– prière de Bernard Hubler
– un chant aux paroles expressives
– un chemin de croix
– un peu d’humour!


INTRODUCTION de Signes d’Aujourd’hui:

Voici quelques pistes pour guider un partage d’Évangile de Jean chapitre 12, versets 20 à 33 lu le 5e dimanche de carême, année B (21 mars 2021):

1. Dans cette page d’évangile, deux expressions reviennent à plusieurs reprises : “maintenant” et “l’heure” ou “cette heure”. Le moment qui est ainsi désigné marque, pour Jésus, le passage de ce monde à son Père – sa passion, sa mort et sa résurrection. Pour rendre compte de la rupture qu’impliquent ces événements, l’évangéliste multiplie les paradoxes. Désirer voir Jésus, c’est consentir à son prochain départ ; le grain porte du fruit en se dissolvant dans le sol ; celui qui aime sa vie la perd, et celui qui s’en détache en ce monde la garde pour la vie éternelle; l’élévation sur la croix est, simultanément, une entrée dans la gloire. Il faut accepter de mourir pour vivre autrement.

2. L’heure de Jésus a sonné. Le grain tombé en terre va mourir, porteur d’un nouveau et prodigieux jaillissement de vie. Il n’empêche que Jésus avoue son trouble face à l’issue dramatique de son parcours terrestre. C’est qu’il n’a rien d’un fanatique suicidaire. S’il assume la perspective du martyre, ce n’est pas par masochisme, mais par fidélité à sa mission. Loin de valoriser la souffrance comme une fin en soi, il n’a cessé, tout au long de son ministère itinérant, de soulager les détresses physiques et morales qu’il rencontrait. A ses yeux, c’est le péché qui constitue le mal par excellence parce qu’il annihile la faculté d’aimer et de pardonner.
L’heure est venue où “ce monde (de péché) est jugé”.

Signes d’Aujourd’hui

CONTE en forme de parabole:

Un jeune homme dans son rêve entre dans un magasin.
Derrière le comptoir, se tient un Ange qui fait office de vendeuse.
«Que vendez-vous?» lui demande le jeune homme.
«Tout ce que vous désirez.» lui répond l’Ange avec courtoisie.
Alors le jeune homme se met à énumérer:
«Dans ce cas, je voudrais bien la fin des guerres dans le monde,
plus de justice, la tolérance,
la générosité envers les étrangers,
davantage d’amour dans les familles,
du travail pour les sans-emploi…»
L’Ange lui coupe la parole:
«Excusez-moi, Monsieur, vous m’avez mal compris.
Ici on ne vend pas les fruits,
seulement les graines.»

(texte anonyme, extrait de «Parole de Dieu, paroles de fête: Des mots pour aujourd’hui» 2006)


Évangile de Jésus Christ selon saint Jean. (Jn 12,20-33)

En ce temps-là, il y avait quelques Grecs parmi ceux qui étaient montés à Jérusalem pour adorer Dieu pendant la fête de la Pâque. Ils abordèrent Philippe, qui était de Bethsaïde en Galilée, et lui firent cette demande: «Nous voudrions voir Jésus.» Philippe va le dire à André, et tous deux vont le dire à Jésus.

Alors Jésus leur déclare: «L’heure est venue où le Fils de l’homme doit être glorifié. Amen, amen, je vous le dis: si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il reste seul; mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruit. Qui aime sa vie la perd; qui s’en détache en ce monde la gardera pour la vie éternelle. Si quelqu’un veut me servir, qu’il me suive; et là où moi je suis, là aussi sera mon serviteur. Si quelqu’un me sert, mon Père l’honorera.

«Maintenant mon âme est bouleversée. Que vais-je dire? “Père, sauve-moi de cette heure”? – Mais non! C’est pour cela que je suis parvenu à cette heure-ci! Père, glorifie ton nom!» Alors, du ciel vint une voix qui disait: «Je l’ai glorifié et je le glorifierai encore.» En l’entendant, la foule qui se tenait là disait que c’était un coup de tonnerre. D’autres disaient: «C’est un ange qui lui a parlé.» Mais Jésus leur répondit: «Ce n’est pas pour moi qu’il y a eu cette voix, mais pour vous. Maintenant a lieu le jugement de ce monde; maintenant le prince de ce monde va être jeté dehors; et moi, quand j’aurai été élevé de terre, j’attirerai à moi tous les hommes.» Il signifiait par là de quel genre de mort il allait mourir.

COMMENTAIRE:

Jésus ne répond pas à la question des Grecs! On peut interpréter cette réaction de plusieurs façons, mais je trouve intéressante cette digression de Jésus. Philippe (Phil-ippos en grec: « celui qui aime les chevaux ») et André (Andreas en grec: « l’homme ») accueillent les pèlerins juifs qui, venant de l’étranger, sont hellénophones mais probablement pas hébréophones ni araméophones… Je me plais à imaginer que les deux apôtres aident ces pèlerins à discerner leur demande… dans le sens de ce qu’ils cherchent vraiment dans ce périple (itinéraire traditionnel vers le Temple) qui restera peut-être le seul voyage de leur vie. Et ils traduisent à Jésus: «Ils voudraient te voir: voir le Messie, voir au moins le prophète, le sage…» Et voilà que Jésus tombe à côté! Il parle du grain enfoui, puis de son âme bouleversée; les deux apôtres peuvent être impressionnés par cette réponse déconcertante… Différentes interprétations sont possibles: appréhension de Jésus au moment de monter à Jérusalem pour s’y confronter aux Juifs; désir de Jésus de faire comprendre le vrai sens de sa marche vers Jérusalem; manifestation de la nature « renaissante » du Christ puis des disciples avec lui; et peut-être d’autres interprétations…

J’entends fort cette comparaison de Jésus avec le grain de blé, et beaucoup d’autres choisissent ce texte d’Évangile parce qu’ils y trouvent une résonnance du processus naturel de la vie… Mais prenons bien la portée de cette parole, qui ne parle pas de naissance mais de résurrection! Dans cette comparaison, le premier terme est celui de la graine qui vit sans mourir, et de celui qui aime sa vie: comment leur reprocher de vouloir vivre? Oui, mais le deuxième terme est de rester seul et de perdre la possession de sa propre vie! Donc celui qui cherche à garder sa vie… la perd finalement! Au contraire, la graine qui meurt portera du fruit, et celui qui se détache de sa vie recevra la vie éternelle. Donc ce qui est fini dans la mort, renaît finalement autrement! Pour résumer: la vie mène à la mort, et la mort mène à la vie! Il faut quand même une bonne dose d’audace philosophique pour présenter une telle comparaison! À taille humaine, c’est comme une impasse dans laquelle le choix se limite à la solitude ou l’extinction… Mais dans la force de l’Esprit, c’est une grâce dans laquelle la vie se reçoit sans cesse de Dieu et des autres… N’est-ce pas une bonne nouvelle pour continuer le carême?

Jésus oriente notre méditation: il parle de porter du fruit, un fruit de présence, un fruit de service mutuel, un fruit de reconnaissance… Mais il n’en parle pas dans le sens de la facilité! «Maintenant mon âme est bouleversée»: tant que dure la vie sur cette terre, on est confronté à l’adversité. Le fruit que l’on peut porter exige le don de soi! Une image me revient souvent à l’esprit: le pommier produit chaque année une grande quantité de pommes, dont peut-être une ou deux produira un autre arbre! Tant d’énergie produite, jusqu’à casser les branches parfois, pour si peut de fécondité finalement; mais regardons aussi les bienfaits que procurent ses pommes, le bonheur des gourmands en tout genre! Je me dis que dans la diversité des caractères, des éducations et des cultures, il ne faut pas s’étonner que le meilleur de soi-même qu’on veut donner ne soit que rarement compris ou apprécié de la part des autres. Par contre le progrès du monde ne peut arriver que par la belle vie -les belles qualités- que prodigue chacune et chacun!

Mais je suis loin d’avoir tout dit: ce texte est d’une grande richesse spirituelle, un peu comme le Notre-Père qui résume la Bible… La meilleure interprétation sera celle qui rejoindra chacun dans le cœur de sa vie. N’hésitez pas à relire encore le texte!


TEXTE du père François Varillon:

Et si nous réécrivions l’histoire du grain de blé?

“Le grain de blé est parfaitement heureux dans son grenier. Il ne pleut pas dans le grenier. Il n’y a pas d’humidité. Et les petits copains du grain de blé sont bien gentils; il n’y a pas de bagarre entre eux. Il est heureux, très heureux.”

Par comparaison à ce que nous appelons le bonheur, c’est-à-dire la santé, la fortune… il est heureux. Mais remarquez que c’est un petit bonheur de grain de blé dans un grenier. Je le dis doucement parce qu’il ne faut pas mépriser le bonheur humain. J’ai le droit de travailler à ma santé, à l’aisance et à tout cela. Rien de méprisable en tout cela. Mais par rapport à ce qu’il doit être, c’est un petit bonheur. J’aime beaucoup l’expression “au petit bonheur”. Nous marchons en cherchant le petit bonheur.

En écrivant, vous imaginerez que ce grain de blé est très pieux et qu’il remercie Dieu en disant:  “Seigneur, je te remercie pour toutes tes grâces: il ne pleut pas, il n’y a pas d’humidité, je suis bien tranquille, c’est parfait. Merci Seigneur.”

En faisant cette prière, le grain de blé s’adresse à un Dieu qui n’existe pas. Il s’adresse à une idole. Un Dieu qui serait le père et le garant d’un petit bonheur dans un grenier, ou qui serait l’auteur et le garant de la bonne santé des hommes, de leur aisance et de leur fortune. Ce Dieu là n’existe pas. N’allons pas nous mettre à genoux devant une idole. Le Dieu qui existe est celui qui va transformer le grain pour qu’il devienne ce pour quoi il existe, c’est-à-dire, un épi.

Mais continuons notre rédaction:
“Un jour, on charge le tas de blé sur une charrette, puis on sort dans la campagne. C’est encore bien mieux que dans le grenier, c’est merveilleux: le ciel bleu, les oiseaux, les fleurs… Mais le grain est toujours un grain. Il n’est pas transformé. Pieusement, il loue Dieu de plus belle:
‘La vie, c’est encore beaucoup plus beau que je ne pensais, c’est formidable. Merci, Seigneur’”.

Il s’agit toujours d’un Dieu qui n’existe pas. Bien sûr, vous pouvez nuancer ce jugement, car ce Dieu existe aussi et j’ai bien le droit de louer Dieu pour ma joie et mon bonheur ici-bas. Je dois même le faire, à condition que je m’adresse au vrai Dieu. Or, le vrai Dieu, c’est celui qui va venir maintenant.

“On arrive sur la terre fraîchement labourée, on verse le tas de blé sur le sol et puis on l’enfonce dans la terre. A ce moment-là, le grain de blé sur le sol n’y comprend plus rien. Comme on dit autour de nous:
‘Si Dieu existait, de telles choses n’arriveraient pas.’
Et notre petit grain se met à regretter le bonheur de son grenier, il se sent mourir, l’humidité le pénètre jusqu’au centre, il se dissout”.

C’est à se demander, à ce moment-là, si la vie n’est pas purement et simplement absurde.

“Quelques semaines plus tard c’est la moisson, et le grain est devenu un bel épi, et c’est pour cela qu’il existait.”

Texte extrait du livre «Vivre le christianisme» de François Varillon, s.j.

PRIÈRE de Bernard Hubler:
Voici la terre!
Elle n’est pas toujours fière.
Depuis la nuit des temps, sans doute,
les hommes l’ont labourée
pour semer le grain,
en faire du pain,
et donner à manger à ceux qui ont faim.

Mais ils l’ont labourée aussi,
avec les chenilles de leurs chars,
et arrosée du sang de leurs morts.
Aujourd’hui, ils la saccagent encore
et la polluent de toutes leurs ordures.
Pauvre terre! Quelle misère!
Mais la terre, c’est aussi le terreau
dans lequel les plantes, les fleurs
et les arbres
plongent leurs racines et puisent la vie.
L’homme a besoin d’une terre aussi.
Et, quand il est déraciné,
sa vie, souvent, s’étiole et se fane.

Dieu a confié la terre aux hommes
pour y semer l’amour et la vie,
pour y faire pousser un peuple de frères.
Alors, tu seras fière, ma terre!

Bernard Hubler, prêtre, salésien de dom Bosco (ordonné en 1967)


Voici un chant aux paroles suggestives pour le Carême, extrait de la Liturgie des Heures

En quels pays de solitude,
Quarante jours, quarante nuits,
Irez-vous, poussés par l’Esprit?
Qu’il vous éprouve et vous dénude!
Voyez : les temps sont accomplis
Et Dieu vous convoque à l’oubli
De ce qui fut vos servitudes.

Sur quels moments d’incandescence
Entendrez-vous le Bien-Aimé
Vous parlant depuis la nuée?
Qu’il vous prépare à ses souffrances!
Suivez Jésus transfiguré:
Demain, il sera crucifié
En signature d’Alliance.

Ne forez plus vos puits d’eau morte:
Vous savez bien le don de Dieu
Et quelle est sa grâce, et son jeu:
Il vous immerge, il vous rénove!
La vie s’élève peu à peu,
Les champs sont dorés sous vos yeux:
Embauchez-vous où Dieu moissonne!

Pourquoi rester sur vos ornières,
Baissant vos fronts d’aveugles-nés?
Vous avez été baptisés!
L’amour de Dieu fait tout renaître.
Croyez Jésus: c’est l’Envoyé!
Vos corps à son corps sont branchés:
Prenez à lui d’être lumière.

Déjà vos tombes se descellent
Sous la poussée du Dieu vivant.
Regardez: Jésus y descend!
Appelez-le: Il vous appelle.
Le jour où la chair et le sang
Sont travaillés de vie nouvelle!

Vous pouvez écouter ce chant, interprété par les Petits chanteurs de Strasbourg, en cliquant sur ce lien: https://www.youtube.com/watch?v=L4NC4tSCNEE