This content has been archived. It may no longer be relevant
Heureux sommes-nous! Jésus présente le Royaume des Cieux comme un lieu de bonheur! Il nous montre même l’heureux chemin qui y conduit! Cependant nous verrons vite que ce chemin n’est pas celui de la facilité…
Je n’ai pas l’intention de vous donner ici un commentaire explicatif de l’Évangile de Matthieu 5,1-12a, mais quelques piste pour l’éclairer avec l’Évangile de dimanche dernier (Mt 22,34-40: le double commandement d’aimer). Il me semble en effet intéressant de voir les rapprochements ou les antagonismes entre ces deux thèmes théologiques de l’amour et du bonheur! Mais je compenserai par des propositions de commentaire vidéo à la fin…

INTRODUCTION:
Les commandements que Jésus-Christ nous donne sont plutôt des chemins de bonheur! Aimer Dieu et son prochain est un double commandement, comme un miroir de l’humanité à laquelle nous appelle la divinité… Cette recommandation de Jésus n’est pas à suivre aveuglément mais librement, car elle ouvre un chemin de bonheur par le don de soi… Nous sommes créés pour aimer, et c’est donc dans l’amour que nous nous réalisons nous-mêmes! Alors souvenons-nous des paroles du Seigneur Jésus: «Il y a plus de bonheur à donner qu’à recevoir.» (Ac 20,35)

PRIÈRE DU PSAUME 1:
01 Heureux est l’homme qui n’entre pas au conseil des méchants, qui ne suit pas le chemin des pécheurs, ne siège pas avec ceux qui ricanent,
02 mais se plaît dans la loi du Seigneur et murmure sa loi jour et nuit!
03 Il est comme un arbre planté près d’un ruisseau, qui donne du fruit en son temps, et jamais son feuillage ne meurt; tout ce qu’il entreprend réussira,
04 tel n’est pas le sort des méchants. Mais ils sont comme la paille balayée par le vent:
05 au jugement, les méchants ne se lèveront pas, ni les pécheurs au rassemblement des justes.
06 Le Seigneur connaît le chemin des justes, mais le chemin des méchants se perdra.

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu. (Mt 5,1-12a)
En ce temps-là, voyant les foules, Jésus gravit la montagne. Il s’assit, et ses disciples s’approchèrent de lui. Alors, ouvrant la bouche, il les enseignait. Il disait:
«Heureux les pauvres de cœur, car le royaume des Cieux est à eux.
Heureux ceux qui pleurent, car ils seront consolés.
Heureux les doux, car ils recevront la terre en héritage.
Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice, car ils seront rassasiés.
Heureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde.
Heureux les cœurs purs, car ils verront Dieu.
Heureux les artisans de paix, car ils seront appelés fils de Dieu.
Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice, car le royaume des Cieux est à eux.
Heureux êtes-vous si l’on vous insulte, si l’on vous persécute et si l’on dit faussement toute sorte de mal contre vous, à cause de moi. Réjouissez-vous, soyez dans l’allégresse, car votre récompense est grande dans les cieux!»

COMMENTAIRE: De l’amour à la Béatitude:
À l’image du premier Psaume qui ouvre le livre des Psaumes par le mot « Heureux », Jésus-Christ ouvre son discours inaugural dans l’Évangile de saint Matthieu par ce même mot « Heureux »… Nous pouvons l’entendre comme un vœu, voire comme une bénédiction de Dieu. Nous pouvons aussi l’entendre comme une forte invitation, ou même une mobilisation de la foule! Ce mot en grec est dynamique: il signifie la marche, la progression dans le bonheur… un bonheur jamais installé mais toujours en devenir.
Et si on remplaçait le mot « heureux » par « aimez »? Aimez la justice et la vérité! Aimez la paix et la douceur! Aimez consoler et faire miséricorde. Aimez la pauvreté dans votre cœur… «Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit… Et tu aimeras ton prochain comme toi-même.» (Mt 22,37…39) Aimer c’est d’abord dilater son cœur dans une relation épanouissante, dans un accomplissement de soi_même… Mais aimer c’est aussi s’engager dans un chemin de relation, vivre une fidélité à des promesses! C’est un peu ce que Jésus laisse entendre: on trouve à la fois une joie immédiate, et on sait qu’on s’engage sur un chemin vers le bonheur, en vivant nos « béatitudes »! De plus, nous apprenons à connaître Dieu, concrètement, peu à peu, en les mettant en œuvre. «Celui qui aime est né de Dieu et connaît Dieu. Celui qui n’aime pas n’a pas connu Dieu, car Dieu est amour.» (1Jn 4,7-8)
Pour aller plus loin dans la réflexion, nous sommes dès maintenant bénis de Dieu! Nous avons cette bénédiction inespérée de pouvoir faire de notre vie un don, de faire que la mort qui nous atteindra d’une façon ou d’une autre, soit seulement le dernier don de toute notre personne au Christ. Toute la vie devient ainsi une école d’amour où la grâce patiemment nous apprend à mourir à notre égoïsme pour que vive l’Esprit d’amour dans nos cœurs d’homme: amour de Dieu, amour du prochain.
«Ce n’est qu’en sortant de nous-mêmes que nous ouvrons la porte qui mène au Seigneur. Demandons cette grâce: “Seigneur, je désire venir à toi, à travers les rues et les compagnons de voyage de tous les jours. Aide-moi à sortir de moi-même, pour aller à ta rencontre, toi qui es la vie”. […] Est-ce que je sors de moi-même pour aller chaque jour vers le Seigneur? Ai-je des sentiments et des gestes de pitié pour les plus nécessiteux? Est-ce que je prends des décisions importantes sous le regard de Dieu? Laissons-nous provoquer par une au moins de ces trois stimulations. […] Parmi les nombreuses voix du monde qui font perdre le sens de l’existence, accordons-nous sur la volonté de Jésus, ressuscité et vivant: nous ferons, de l’aujourd’hui que nous vivons, une aube de résurrection.» (Extrait de l’homélie du pape François le 4 novembre 2019)

COMMENTAIRES INSPIRÉS DE PLUSIEURS DE MES CONFRÈRES:
Je suis touché par la conjugaison de certaines béatitudes au présent: déjà même à travers les épreuves nous touchons du doigt la joie du Royaume.
Ce texte est vraiment provoquant quand nous l’entendons au milieu des catastrophes! Il nous prend à contrepied! Le bonheur est un avenir espéré, et nous pouvons y parvenir à condition d’entrer dans une autre logique…
Si nous n’avons plus d’espérance à partager, où ira le monde?
Ce texte nous rappelle que la souffrance fait partie de la vie, mais pour quoi souffrir? Autrement dit vers quelle quête orienter notre acceptation de la souffrance? Jésus a vécu comme nous dans la pauvreté de cœur et dans la passion pour le Royaume de Dieu. Le Christ que nous suivons a montré le chemin du don de soi.
Jésus parle sur la montagne: il y a bien quelque chose à gravir! Le bonheur qu’il présente n’est pas un chemin de facilité, mais de courage et d’abnégation… Il gravit avec nous ce chemin, il nous accompagne de sa Parole, il nous abreuve de son Esprit.
La béatitude de la Miséricorde est celle que je préfère!

« Petites béatitudes » du père Joseph Folliet:
Bienheureux ceux qui savent rire d’eux-mêmes: Ils n’ont pas fini de s’amuser.
Bienheureux ceux qui savent distinguer une montagne d’une taupinière: il leur sera épargné bien des tracas.
Bienheureux ceux qui sont capables de se reposer et de dormir sans chercher d’excuses: ils deviendront sages.
Bienheureux ceux qui savent se taire et écouter: ils en apprendront des choses nouvelles.
Bienheureux ceux qui sont assez intelligents pour ne pas se prendre au sérieux: ils seront appréciés de leur entourage.
Heureux êtes-vous si vous savez regarder sérieusement les petites choses et paisiblement les choses sérieuses: vous irez loin dans la vie.
Heureux êtes-vous si vous savez admirer un sourire et oublier une grimace: votre route sera ensoleillée.
Heureux êtes-vous si vous êtes capables de toujours interpréter avec bienveillance les attitudes d’autrui même si les apparences sont contraires: vous passerez pour des naïfs, mais la charité est à ce prix.
Bienheureux ceux qui pensent avant d’agir et qui prient avant de penser: ils éviteront bien des bêtises.
Heureux êtes-vous si vous savez vous taire et sourire même lorsque on vous coupe la parole, lorsqu’on vous contredit ou qu’on vous marche sur les pieds: l’Évangile commence à pénétrer votre coeur.
Bienheureux surtout vous qui savez reconnaître le Seigneur en tous ceux que vous rencontrez: vous avez trouvé la vraie lumière, vous avez trouvé la véritable sagesse.
Texte extrait de la page internet (dans laquelle existe aussi une biographie de l’auteur): https://www.ajcf.fr/les-petites-beatitudes-de-joseph-folliet.html

La Prière de Soeur Emmanuelle (des chiffonniers du Caire):
«Quelqu’un m’a dit un jour: « Donne chaque jour ton sourire, c’est ton merveilleux cadeau d’Amour. Il ne dure qu’un instant, mais fait chanter le cœur ». Seigneur, apprends-moi à sourire comme mon frère chiffonnier… Quelle est la source de sa joie? Pourquoi ce regard lumineux chez cet homme immergé dans l’ordure? Seigneur, apprends-moi à sourire comme l’enfant chiffonnier. Il chante en dansant sur son tas d’ordures. Il offre à tout ce qui passe son beau sourire d’enfant. Faut-il donc être pauvre, petit, Seigneur, pour savoir sourire? Mais il est des heures, Seigneur, où mon cœur lourd, blessé, m’oppresse… Je ne sais plus sourire, alors, que puis-je faire, Seigneur? Sinon écouter la Parole de ton Fils: « Venez à moi, vous tous qui peinez sous le fardeau et je vous soulagerai ». Amen.»
Sœur Emmanuelle du Caire (1908-2008)

Une prière de Paul TREMBLAY:
Merci Jésus
de nous appeler ici à l’écart.
C’est toi qui nous donnes rendez-vous.
Non pas pour faire de nous un groupe sélect,
meilleur que les autres,
mais pour nous rapprocher de l’essentiel.
Pour voir plus clair en nous-mêmes.
Pour voir plus clair en Toi.
Merci de nous révéler un peu mieux qui tu es :
le témoin de Dieu, notre frère.
Approfondis en nous l’expérience éclairante et bouleversante
de te connaître, de chercher ton visage, d’écouter ta Parole.
Merci pour les moments lumineux
qui se produisent dans nos vies.
Ils arrivent comme un rayon de soleil inattendu,
comme des moments de plénitude, de paix.
Paul Tremblay, Prières au gré des jours, Novalis, 2007, pp 92-93.

Une prière de Maurice ZUNDEL adressée à saint François-d’Assise:
Ô petit frère, divinement pauvre,
Apprends-moi à regarder toute chose avec la passion et la tendresse que Dieu met à la créer.
Apprends-moi à aimer chaque homme comme un frère, à l’aimer avec une infinie miséricorde jusqu’au fond de son être, là où Dieu atteste sa présence.
Apprends-moi à marcher sans cesse, avec une infinie confiance, sans peur des épines, ni des cailloux, ni des incompréhensions.
Apprends-moi à marcher pour dire les merveilles de l’Amour fou de Dieu.
Apprends-moi à épouser la croix de Jésus, à éprouver jusqu’au cœur de mon cœur la douleur de Dieu.
Apprends-moi à apprivoiser la mort, cette douce compagne qui ouvre la porte de la rencontre définitive.
Apprends-moi à chanter le Cantique fraternel où la vie se recueille en amour ruisselant.
Apprends-moi à devenir pauvre de tout et de moi en la Présence bien-aimée de la Trinité sainte.
Amen. Alleluia.

COMMENTAIRES-vidéos:
Un commentaire du père Philippe Marsset dans l’émission KTOTV du 06/06/2004 (5mn40): https://www.youtube.com/watch?v=yuzrVQpfkBw
Pour les plus chevronnés, voici une explication exégétique du texte des Béatitudes (Matthieu 5,3-12) par Simon Butticaz, de l’Institut romand des sciences bibliques à l’Université de Lausanne (13mn30): https://www.youtube.com/watch?v=oKkAzEUoVq0
Commentaire spirituel « La clé des Béatitudes » par le père Pierre Trevet, dans «Paraboles d’un curé de campagne» du 5 novembre 2017 (7mn30): https://www.youtube.com/watch?v=zv-yBnSqotQ

CHANSONS:
«Il disait “Heureux les pauvres”», de Mannick et Jo Akepsimas, chanson interprétée dans le CD «La chanson de l’Évangile, Volume 2», production ADF Musique.
Cliquez sur ce lien: https://www.youtube.com/watch?v=JOaK56aGWTM

Cette autre chanson est sûrement plus connue, mais ses paroles méritent elles aussi d’être méditées… «On écrit sur les murs»
«On écrit sur les murs» est une chanson écrite et composée par Romano Musumarra et Jean-Marie Moreau pour Demis Roussos, en 1989, ici interprétée par les Kids-United au profit de l’UNICEF: https://www.youtube.com/watch?v=VV5oVYVGfNc
Paroles :
On écrit sur les murs le nom de ceux qu’on aime,
Des messages pour les jours à venir;
On écrit sur les murs à l ‘encre de nos veines,
On dessine tout ce que l’on voudrait dire!
Partout autour de nous,
Y’a des signes d’espoir dans les regards:
Donnons leurs écrits, car dans la nuit,
Tout s’efface même leurs traces!
On écrit sur les murs le nom de ceux qu’on aime,
Des messages pour les jours à venir;
On écrit sur les murs à l ‘encre de nos veines,
On dessine tout ce que l’on voudrait dire!
On écrit sur les murs la force de nos rêves,
Nos espoirs en forme de graffiti…
On écrit sur les murs pour que l’amour se lève,
Un beau jour sur le monde endormi!
Des mots seulement gravés pour ne pas oublier pour tout changer
Mélangeons demain dans un refrain nos visages, métissages
On écrit sur les murs le nom de ceux qu’on aime,
Des messages pour les jours à venir;
On écrit sur les murs à l ‘encre de nos veines,
On dessine tout ce que l’on voudrait dire!
On écrit sur les murs la force de nos rêves,
Nos espoirs en forme de graffiti…
On écrit sur les murs pour que l’amour se lève,
Un beau jour sur le monde endormi!
Encore une chanson? Celle-ci pour son atmosphère pleine de douceur et de candeur, «Je te bénis mon Dieu»: https://www.youtube.com/watch?v=NX8lnhaRNRo

Attaque de Nice : édito de Sœur Véronique Margron le 29 octobre 2020.
Encore un jour de deuil. Un jour d’effroi. Un jour de plus, un jour de trop, sans pouvoir comprendre pareille horreur.
En temps de paix, contre un lieu de paix, de recueillement pour qui librement y entre et simplement s’assoit. Contre des femmes et des hommes de paix, simples croyants attentionnés, ne voulant que prier le Dieu de toute bonté qui hait la haine. Le Dieu dont la véritable grandeur se dévoile dans l’abaissement des épousailles avec la condition des hommes, pour n’être élevé que sur une croix.
Nous faudra-t-il graver en nos âmes comme en notre pauvre raison ces mots du pape François dans l’encyclique Fratelli Tutti, reprenant sa déclaration conjointe avec le grand imam Al-Tayeb du 4 février 2019, « Dieu n’a besoin d’être défendu par personne et ne veut pas que Son nom soit utilisé pour terroriser les gens ». (n° 285)
Faudra-t-il, comme pour les dix Paroles de la promesse (Dt 6) les dire à nos fils, les répéter sans cesse, à la maison et en voyage, couché ou levé. Les inscrire sur notre chair.
Nous sommes atterrés. Et nous nous souvenons du prophète Jérémie « Tu leur diras cette parole : Que mes yeux ruissellent de larmes nuit et jour, sans s’arrêter ! Elle est blessée d’une grande blessure, la vierge, la fille de mon peuple, meurtrie d’une plaie profonde. Si je sors dans la campagne, voici les victimes de l’épée ; si j’entre dans la ville, voici les souffrants de la faim. Même le prophète, même le prêtre parcourent le pays sans comprendre. As-tu donc rejeté Juda ? Es-tu pris de dégoût pour Sion ? Pourquoi nous frapper sans remède ? Nous attendions la paix, et rien de bon ! le temps du remède, et voici l’épouvante ! » (Jr 14)
Voici notre supplication, à nous tous croyants de bonne volonté, croyants au Dieu qui ne se laisse posséder par personne. Laisser monter nos pauvres prières, dans le désarroi et la peine sans fond, pour les victimes, leurs familles, leurs proches, les paroissiens de cette église, la ville de Nice, cosmopolite et multi religieuse. Clamer à notre Dieu notre désolation, nos questions abyssales sans réponse, notre douloureuse plainte, notre épouvante. Notre supplication dans les larmes pour demeurer, envers et contre tout artisans d’amitié. Pour ne pas céder au poison du soupçon, de la défiance. Il nous faut chercher loin la force de ce Dieu que nous cherchons et chérissons.
Ce Dieu qui affirme, pour nous chrétiens,
« heureux les doux ils recevront la terre en héritage.
Heureux les affligés, car ils seront consolés.
Heureux les artisans de paix,
car ils seront appelés fils de Dieu. » ( Mt 5, 3-12)
Cette douceur n’est pas mièvrerie, mais un combat quotidien, obstiné ; nous sommes remplis de chagrin mais debout pourtant toujours et notre engagement pour la paix ne passera pas et demeurera entier avec tous les hommes et les femmes de simplement bonne volonté désirant vivre dans un monde commun.
Nous sommes tous ce soir d’infinie tristesse et de colère tout au-dedans, les enfants de Job, dans le deuil et la cendre. Mais à tous les monstres, au chaos de la destruction et de la violence, nous croyons que le Dieu unique intime cet ordre « ça suffit ! ». Non que cette pensée soit magique, aucunement. Mais elle est ce qui nous relève pour continuer à agir et à croire, envers et malgré tout, en notre humanité, car un jour -oui – de larmes et de deuils il n’y aura plus. Enfin.
29 octobre 2020,
Véronique Margron, op.
Présidente de la CORREF
