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Méditation de l’évangile de dimanche 13 juin par le P.Xavier Guermonprez

La liturgie de ce dimanche nous présente deux paraboles qui suivent de près la parabole bien connue du « semeur » (Mc 4,1-20: les grains de blé tombés sur différents terrains). Les paraboles nous interpellent sur le « fonctionnement » du Royaume de Dieu, ou plutôt sur la façon dont on y trouve sa place et sa joie… Celles de ce dimanche nous éclairent à leur manière, en insistant sur la fécondité et l’épanouissement de la nature, source d’inspiration pour imaginer le Royaume des Cieux.

«À quoi allons-nous comparer le règne de Dieu? Par quelle parabole pouvons-nous le représenter?» (Mc 4,30) Jésus se montre bien préoccupé par la façon dont nous pouvons accueillir le monde spirituel, l’Alliance invisible avec Dieu… Il emploie donc des images pour que notre intelligence limitée puisse le percevoir. Mais l’important reste la réalité de notre coeur, que Dieu cherche à épanouir!

Ne nous arrêtons donc pas sur l’ivraisemblance possible de l’une ou l’autre conclusion des paraboles, mais plutôt sur le sens profond qu’elles donnent à la vie… peut-être la vie cyclique, mais aussi la vie émergeante, et même la vie renaissante! Saint Marc, comme à son habitude, écrit rapidement, « droit au but »; n’hésitons pas à nous arrêter sur la contemplation de la nature, à l’exemple de Jésus…

 «Le mûrissement de l’âme passe par le chemin de l’amour. Sans l’amour de Dieu, nul ne goûtera au véritable amour, l’amour du prochain.» (Handala Najiali, poète, Alger, 1949)



«Ah! c’est que Jésus a pour nous un amour si incompréhensible qu’il veut que nous ayons part avec lui au salut des âmes. Il ne veut rien faire sans nous. Le créateur de l’univers attend la prière d’une pauvre petite âme pour sauver les autres âmes rachetées comme elle au prix de tout son sang. Notre vocation à nous ce n’est pas d’aller moissonner dans les champs de blés mûrs. Jésus ne nous dit pas: « Baissez les yeux, regardez les campagnes et allez les moissonner ». Notre mission [comme Carmélites] est encore plus sublime. Voici les paroles de notre Jésus: « Levez les yeux et voyez. Voyez comme dans mon Ciel il y a des places vides, c’est à vous de les remplir; vous êtes mes Moïse priant sur la montagne (Ex 17,8s). Demandez-moi des ouvriers et j’en enverrai, je n’attends qu’une prière, un soupir de votre cœur! »»

Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus et de la Sainte-Face (Extrait de la lettre 135 à sa sœur Céline, Carmel de Lisieux).

La parabole du Semeur, peinte en novembre 1888 par Vincent van-GOGH. Elle est aujourd’hui conservée au Van-Gogh-Museum d’Amsterdam.


Évangile de Jésus Christ selon saint Marc. (Mc 4,26-34)
En ce temps-là, parlant à la foule, Jésus disait: « Il en est du règne de Dieu comme d’un homme qui jette en terre la semence: nuit et jour, qu’il dorme ou qu’il se lève, la semence germe et grandit, il ne sait comment. D’elle-même, la terre produit d’abord l’herbe, puis l’épi, enfin du blé plein l’épi. Et dès que le blé est mûr, il y met la faucille, puisque le temps de la moisson est arrivé.»

Il disait encore: «À quoi allons-nous comparer le règne de Dieu? Par quelle parabole pouvons-nous le représenter?
Il est comme une graine de moutarde: quand on la sème en terre, elle est la plus petite de toutes les semences. Mais quand on l’a semée, elle grandit et dépasse toutes les plantes potagères; et elle étend de longues branches, si bien que les oiseaux du ciel peuvent faire leur nid à son ombre.»

Par de nombreuses paraboles semblables, Jésus leur annonçait la Parole, dans la mesure où ils étaient capables de l’entendre. Il ne leur disait rien sans parabole, mais il expliquait tout à ses disciples en particulier.


Quelques COMMENTAIRES inspirés de mes confrères rencontrés ce matin:
Cette parabole m’invite à la CONFIANCE et à l’ESPÉRANCE! L’expérience du jardinier reflète l’expérience des chrétiens(cf. les Actes des Apôtres)… Je me vois peu moissonneur (émerveillé)! Je suis conscient quand même de semer, mais pas tout seul: c’est en communauté que l’on sème!

On voudrait voir le résultat bien vite, mais soyons plus patients, pour intégrer le temps nécessaire à la croissance. Et rendons grâce déjà pour ce qu’on voit grandir dans la grâce de Dieu! Par exemple, les jeunes qui vont faire leur Profession-de-Foi dimanche, comment vont-ils s’approprier leur baptême, et se mettre à semer?

Nous avons le devoir de semer: c’est notre mission de baptisés. Mais nous avons confiance que le champ du Seigneur lèvera… L’action première est celle de Dieu, qui nous précède toujours; notre propre action se nourrit d’obéissance dans son Esprit!

Sans doute Dieu compte sur nous pour continuer à semer. Les enfants peuvent nous paraître immatures, manquant de connaissances… et pourtant Dieu nous dit de ne pas nous inquiéter, qu’ils feront leur chemin avec Lui! Si Dieu nous associe à une si grande œuvre, c’est qu’Il nous fait confiance! Il veille à ce que les graines semées puissent germer puis porter du fruit… J’entends cette parabole comme un appel à la confiance réciproque.

Nous avons besoin d’ancrer notre foi dans la vie, c’est-à-dire de la comprendre avec des repères concrets. Les paraboles nous aident à appréhender le monde invisible de la foi: leur interpellation nous fait aller plus loin dans la connaissance de Dieu et de nous-mêmes.

«Le septième jour, Dieu vit que cela était bon.» (Gn 1) Dans les jours difficiles, il m’est bon de rendre grâce de cette façon, en adoptant le regard bienveillant de Dieu!

Je ne suis pas forcément le semeur, mais aussi le moissonneur… Le Seigneur travaille largement, et nous donne de recevoir le fruit de nos efforts… Il s’agit alors d’élargir mon regard, pour contempler les nombreux fruits de l’Esprit!

Il peut nous arriver d’être soucieux pour l’épanouissement spirituel d’autres personnes, qu’il s’agisse d’enfants non-baptisés ou de paroissien(ne)s en mal de relation… N’allons pas trop vite en besogne! À manipuler la faucille trop tôt, on empêche la foi de mûrir! Laissons grandir, et évitons de « couper l’herbe sous le pied »! En fait, rappelons-nous que nous n’avons pas la maîtrise de la croissance du grain semé: seul Dieu donne la foi et la fait grandir; nous ne pouvons que témoigner et accompagner…

Le règne est là, au présent! Il suffit d’ouvrir les yeux pour voir… les mains pour recevoir…

Jésus adapte sa parole aux auditeurs! Il donne la nourriture que les cœurs peuvent accueillir… Il se fait orateur pour les foules, capte l’attention et emploie les mots qui parlent… Il se fait pédagogue pour les foules, puis pour les disciples!

Il s’agit du règne de Dieu! Marc est seul à présenter cette parabole de la graine qui pousse toute seule. Il s’agit d’une allégorie, et non pas d’un exemple de vie: sa portée est théologique! Si Dieu existe, pourquoi ne le voit-on pas? La graine ne se voit pas dans le sol, et pourtant elle se transforme en plant… La vie avec Dieu est souvent d’abord cachée et secrète! Dieu ne se voit pas, et pourtant Il nous accompagne dans tous les moments de la vie… La vie spirituelle ne se voit pas, et pourtant on en recueille des fruits…

La parabole révèle et dissimule son message tout à la fois: elle nous invite à aller toujours plus loin dans la foi. Comme la vie, elle résonne de multiples significations… Par exemple, la participation à l’eucharistie nous enrichit peu à peu de significations multiples, alors qu’elle ne donne à voir que du pain et du vin. Ne nous enfermons pas dans des définitions; laissons les événements de la vie nous apprendre le chemin du Royaume des Cieux…


Nous te bénissons, Père, pour toutes les personnes qui prient: elles sont image de ton Fils qui gravit la montagne pour entrer en dialogue avec Toi.

Nous te bénissons pour ceux et celles qui annoncent ta Parole: ils sont image de ton Fils qui nous révèle ton Nom.

Nous te bénissons, pour ceux et celles qui portent le soin des malades, des souffrants: ils sont image de ton Fils qui met à la première place les petits et les exclus.

Nous te bénissons pour ceux et celles qui prêchent la conversion et qui travaillent pour la paix: ils sont image de ton Fils qui s’assoit à la table des pécheurs.

Nous te bénissons pour ceux et celles qui se consacrent à un service d’éducation: ils sont image de ton Fils qui embrasse les enfants et les établit héritiers de ton Royaume.

Nous te bénissons pour ceux et celles qui ont le courage de miser sur la charité: ils sont image de ton Fils qui est passé en faisant le bien à tous.

Nous te bénissons pour ceux et celles qui dans le silence, au secret de leur cœur, portent les attentes du monde: ils sont image de ton Fils qui en tout a obéi à ta volonté.

Et nous t’en prions: que, chacun selon sa vocation, ensemble nous formions ta famille, signe de la présence de ton Fils Jésus, qui chaque jour marche sur les routes du monde et construit ton  Royaume. Amen.

Intentions de prière des prêtres du Sacré-Coeur de Jésus (congrégation fondée par Léon Dehon en 1878).

Fleurs de sénevé (moutarde).


La prière de la moutarde!?

Prier quand la moutarde te monte au nez? Quelle drôle d’idée, le moment est mal choisi! Détrompe-toi, le moment est hyper bien choisi au contraire: Claire de Féligonde te partage sa méthode BPO (Bénir, Pardonner, Orienter vers le bien), pour transformer ce moment de tension et de colère en occasion d’invocation du Seigneur. Pour un grand gain d’énergie et de paix!

Pour écouter la piste audio, aller sur la page: https://podcast.ausha.co/maman-prie
Puis cliquer sur «Maman prie #2 : La prière de la moutarde, quand elle te monte au nez»

Plants de sénevé (moutarde).


«Qui sème dans les larmes moissonne dans la joie» (Ps 125)

Dans la chapelle d’un vieux château de Bourgogne, j’effeuille un vieux paroissien rangé là dans un coin, sur un prie-Dieu nimbé de poussière. Il est rempli d’images pieuses, de souvenirs et de visages enfouis, de communions solennelles, de prières murmurées, de soupirs enfermés entre des pages trop fines, légères comme va la vie. Certaines semblent mouillées de larmes séchées. D’autres sont parfumées, lumineuses.

J’ai connu, enfant, la vieille dame qui marmonnait ses prières avec ce livre noir en le caressant de ses mains fines où affleuraient les veines, comme on caresse sa mémoire, comme on se recueille pour retenir les visages disparus. Elle faisait partie des murs, elle était l’âme d’une maison trop grande qui gardait sa présence telle une ombre fidèle. Elle était si fragile qu’on n’osait trop parler quand elle était là, qu’on n’osait trop crier de peur qu’elle ne s’envole comme un oiseau léger posé sur la fenêtre. Elle a fini par partir comme s’éteint la veilleuse au coin du lit, tout simplement, tout discrètement. Elle a filé de nuit par la petite porte, la porte des humbles qui va tout droit au Ciel, et nous sommes restés là au petit matin, un peu plus orphelins.

«Ô cœur tissé de joie sur fond de peine, écrit Péguy, la joie est une proie, la peine est reine.» On savait souffrir autrefois. On savait pleurer. On avait tant pleuré qu’on n’avait plus de larmes. Alors on finissait par sourire d’un vrai sourire comme un ciel longtemps lavé de pluie resplendit d’une lumière plus pure. On a trop oublié la sagesse de vivre. On ne supporte plus de souffrir aujourd’hui, il faut absolument être «bien», comme si c’était un dû à réclamer bruyamment tel un militant qui passe la moitié de sa vie à hurler et l’autre à se plaindre. Misérables êtres sans envergure qui perdent leur existence minuscule à revendiquer des droits plutôt qu’à assumer simplement leurs devoirs…

Elle était d’un autre temps qui avait le courage d’habiter ses douleurs. «Toi qui comptes mes pas vagabonds, recueille en tes outres mes larmes» (Ps 55). Les visages sortent du livre, la vie dévoile ses secrets. Son père tué à la guerre, ses frères en résistance. Son amour d’enfance disparu en Indochine dont le corps ne fut pas retrouvé. Et le visage d’un enfant mort, drapé dans le linceul de sa robe baptismale. Puis une photo sépia de son mariage. Elle était si belle… Je me suis rendu compte soudain qu’elle avait eu un corps de chair, qu’elle avait éprouvé le désir et le plaisir, la tendresse et la joie, elle qui incarnait pour moi l’élégance des veuves, elle que je n’avais connue qu’à la frontière du Ciel, dont l’esprit affleurait sous la frêle toile de ce qui restait de son corps de femme comme une tente légère que l’on roule pour partir.

Elle avait beaucoup pleuré, beaucoup souri. Elle avait pris le pli des sourires et des larmes, et son visage était un livre sillonné de rides où tout était inscrit. J’ai pensé à saint Jean-Paul II, aux évangiles ouverts sur son cercueil de bois nu, posé à même le sol. Elle aimait ce grand pape, sa voix puissante qui apaisait ses peurs cachées.

Sur le cercueil, le vent faisait tourner les pages comme on effeuille, jour après jour, le grand mystère de vivre. «Recueille en tes outres mes larmes. Cela n’est-il pas dans ton Livre?» (Ps 55). Un mot était griffonné à la hâte au cœur des pages, comme on murmure le secret d’une vie: «Qui sème dans les larmes moissonne dans la joie» (Ps 125).

Père Luc de Bellescize pour Famille-chrétienne (extraits du texte publié le 3 août 2018).

«Le bonheur est la seule chose qui se double si on la partage!» (Albert Schweitzer, médecin, pasteur et théologien protestant, philosophe et musicien alsacien, 1875-1965)


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Xavier Guermonprez, prêtre à Montargis.xguermonprez45@gmail.com