« enracinés en Christ et fraternels »

Dans le dynamisme du rassemblement diocésain Ecclesia 45, les catholiques du Loiret veulent témoigner de la Bonne Nouvelle de Jésus car ils croient qu’elle est une force pour vivre.

Tant de personnes sont en attente d’espérance ! D’autres sont tellement découragées qu’elles pensent ne plus rien avoir à recevoir ni à donner. Saurons-nous être porteurs d’espoir, d’amour, de confiance auprès de ceux qui cherchent, doutent, souffrent et s’interrogent sur leur avenir ? Ce que nous avons reçu du Christ en tant que baptisés, nous ne pouvons le garder pour nous. Comme Lui, nous voulons aller à la rencontre de tous, désireux de les écouter, d’entrer en dialogue avec eux et de « rendre compte, par nos actes, de l’espérance qui est en nous » (1 P. 3, 15).

Depuis mon arrivée dans le Loiret, il y a un an, j’ai découvert bien des réalités de notre diocèse. J’ai eu la joie de voir l’action de Dieu dans des personnes de tous âges et catégories sociales. Je reste admiratif devant la générosité et l’engagement de beaucoup au service des autres. Que ceux et celles qui se donnent sans compter
pour le bien commun se sentent reconnus et encouragés !

Sans oublier ceux qui ne partagent pas notre foi, j’ai écrit cette lettre d’abord pour soutenir les chrétiens engagés de notre diocèse. Les uns comme les autres, nous avons besoin de puiser quelque part la capacité d’aimer et de donner, mais, pour nous chrétiens, cette source a un nom, un visage, celui de Jésus-Christ. C’est
bien Lui dont nous voulons vivre et témoigner auprès de nos contemporains. Pour que cela soit possible, nous devons revenir inlassablement aux fondements de notre vie de croyants : la relation à Dieu et la vie fraternelle.

Les débuts de la vie de l’Eglise, après l’Ascension de Jésus, ont été simples. « Tous, d’un même coeur, étaient assidus à la prière » (Act. 1, 14) et « ils se tenaient fraternellement tous ensemble » (2, 1). C’est sur cette
petite communauté rassemblée et priante qu’est descendu l’Esprit de Pentecôte. C’est le même Esprit du Christ Ressuscité qui, aujourd’hui comme hier, veut conduire l’Eglise dans sa marche et ne cesse d’agir dans les coeurs.

Annoncer l’Evangile au monde d’aujourd’hui

« Venez à ma suite, et je ferai de vous des pêcheurs d’hommes ». (Mt 4, 19). Lorsqu’Il a appelé ses premiers compagnons au bord du lac, Jésus voulait faire de ces hommes ordinaires ses envoyés, qui porteraient son Evangile à tous jusqu’au bout du monde. Mais cela fut possible parce qu’ils avaient entendu l’appel à être avec
Lui, à son écoute, à devenir ses amis. Il s’agissait d’abord pour eux de bien le connaître, de le regarder parler et agir, avant de partir eux-mêmes en mission. La priorité de toute vie chrétienne authentique était ainsi clairement affirmée. « Sans moi, vous ne pouvez rien faire » dit Jésus. (Jn 15, 5). « Si le Seigneur ne bâtit la
maison, les bâtisseurs travaillent en vain » dit le Psaume 126 !

Notre générosité, si belle soit-elle, est souvent à l’épreuve ou stérile, parce que nous ne prenons pas le temps de prier et de nous alimenter spirituellement. Même avec un coeur plein d’allant et d’esprit de service, nous tombons vite dans l’inquiétude, l’agitation voire l’amertume (cf. l’exemple de Marthe [Luc 10, 41]). Dans la continuité du rassemblement diocésain Ecclesia 45 en 2009, nous avons besoin de retrouver ces deux piliers de toute vie chrétienne que sont la prière et la vie fraternelle.

1- « Ils étaient assidus à la prière » (Act. 1, 14)

La prière n’est pas facultative, ni même seulement nécessaire. Elle est fondamentale. Comme baptisés, il s’agit bien pour nous d’être « enracinés dans le Christ » (Col. 2, 7) comme « les sarments » qui ne peuvent « donner
du fruit » que s’ils demeurent sur « le cep ». (Jn 15). Ce que j’ai vu

Depuis un an, j’ai vu beaucoup d’acteurs pastoraux de notre diocèse, et je reste admiratif de leur générosité dans l’engagement d’eux-mêmes, qu’ils soient laïcs, diacres, religieux – religieuses ou prêtres. Mais je sens aussi un essoufflement et une lassitude chez un certain nombre, avec la tentation du repli sur eux-mêmes, leur
paroisse ou leur groupe.

En même temps, beaucoup manifestent leur besoin de vie spirituelle et de ressourcement. Pour y répondre, il y a bien des initiatives heureuses : prière en couple, en famille, groupes de prière, adoration, Rosaire, lectio divina, retraites dans la vie, école de prière des jeunes, soirées Taizé, récollections, retraites spirituelles etc. Un renouveau spirituel existe bien, qui, dans notre diocèse, peut s’appuyer sur l’expérience de nos trois monastères contemplatifs de Saint Benoît-sur-Loire, Bouzy-la-Forêt et Micy, sans oublier les autres centres d’accueil spirituel comme Béthanie, Beaugency, Lombreuil. Mais ces lieux sont-ils connus … et fréquentés par les chrétiens ?

Chaque année, les prêtres, tout comme les diacres et les religieux(ses), sont invités à une retraite spirituelle.
Des laïcs de plus en plus nombreux – et même des familles – vivent eux-aussi un temps de ressourcement, parfois de plusieurs jours. Un certain nombre vit aussi les bienfaits de l’accompagnement spirituel personnalisé.
Des prêtres, des religieux(ses), des laïcs se sont formés pour assurer ce service.

Les idées et les appuis ne manquent donc pas pour une pastorale de la prière. Nous devons en faire une priorité pour nos communautés, convaincus que « la fécondité de l’apostolat des laïcs dépend de leur union vitale avec le Christ ». (Concile Vatican II. A.A. § 4) et que « tous les chrétiens sont invités à une profonde rénovation
intérieure afin qu’ils assument leur part dans l’oeuvre missionnaire » (A.G. § 35).

A réfléchir ensemble

Je vous invite à réfléchir ensemble (en EAP, équipes de Mouvements, Services et Aumôneries) aux questions suivantes :

Où en sommes-nous de notre prière personnelle ? de la prière commune en famille ? en équipe de vie ? en paroisse ? sur le groupement paroissial ? le doyenné ?

Avons-nous déjà été « accompagnés spirituellement » ?

Que pouvons-nous faire pour développer la vie de prière chez tous les chrétiens ?

Quelles initiatives prendre ?

Quelques propositions : Que chaque réunion, chaque rencontre de chrétiens, commence par un temps de prière où « on prend son temps » ! Les modalités peuvent être variées, mais pourquoi ne pas prendre tout simplement la prière de l’Eglise ? Avec, par exemple, la Parole de Dieu, un temps de méditation et de silence,
des intercessions, le Notre Père… pourquoi pas un psaume, un chant ? (cf. ce que dit Saint Paul : Col. 3, 16-17).

Dans chaque doyenné ou groupement paroissial :

Qu’il soit proposé annuellement à tous une récollection d’une journée minimum, dans un lieu spirituel de notre diocèse ou sur place, mais de telle manière que beaucoup puissent y participer.
Qu’il y ait au moins un groupe de prière stable et ouvert à tous. S’il n’existe pas encore, en faire une urgence pastorale.

Qu’il y ait au moins une église ouverte en permanence pour la prière… et que cela soit connu !

Qu’une attention particulière soit portée par tous à l’initiation à l’intériorité et à la prière contemplative, notamment auprès des jeunes, des enfants et de leurs familles.

Il n’y a pas de transmission de la foi sans relation à Dieu, et donc sans apprentissage de la prière.

2- « Ils étaient fidèles à la communion fraternelle » (Act. 2, 42)

L’Eglise ne peut se dire Corps du Christ que si ses membres vivent une véritable fraternité entre eux, ouverts largement aux autres (« de toutes nations, races, peuples et langues » (Ap. 7, 9), et notamment à ceux qui ont faim, sont démunis, prisonniers ou étrangers (Mt, 25).

D’autre part, on n’est pas chrétien tout seul. Un chrétien isolé est un chrétien en danger. Jésus a des paroles fortes sur cette fraternité indispensable : « C’est à l’amour que vous aurez les uns pour les autres qu’on vous reconnaîtra pour mes disciples » (Jn 13, 35). La fraternité ne nous replie pas sur un groupe, elle nous montre tout être humain comme un frère à aimer. Dieu est le Père de tous les hommes, il n’y a pas de limite à la fraternité chrétienne.

Ce que j’ai vu

J’ai été témoin depuis un an de multiples rencontres fraternelles, comme par exemple les journées des prêtres à Saint-Jacut-de-la-Mer, ou le pèlerinage des diacres avec leurs épouses et les haltes spirituelles régulières qu’ils vivent par petits groupes. Comment ne pas rendre grâce pour la présence dans notre diocèse des communautés religieuses, contemplatives et apostoliques, véritables lieux de fraternité et d’accueil ? Il faudrait nommer aussi toutes les rencontres fraternelles des laïcs ; elles sont nombreuses et pourtant méconnues d’un grand nombre :
équipes des mouvements éducatifs ou d’action catholique, services, aumôneries, EAP, équipes de coordination, groupes de prière, d’action, de réflexion, sans oublier les communautés paroissiales… et les dimanches communautaires.

l y a aussi la fraternité vécue dans certains quartiers et villages, ou des lieux comme le Pont de Pierre, la solidarité avec ceux qui souffrent ou qui sont « différents », malades, personnes handicapées, migrants, gens du voyage, personnes en précarité… On se plaint toujours de ce qui manque, mais savons-nous rendre grâce pour
ce qui nous est donné ? L’Eglise, même si elle peut toujours mieux faire, multiplie les initiatives de rencontre et
de fraternité. Elle participe ainsi activement à la vie sociale et à la solidarité dans notre pays. Les chrétiens n’ont certes pas le monopole de la fraternité, mais ils ont une belle pratique en ce domaine.

Cependant, deux tentations demeurent récurrentes :

La première est de laisser la générosité et la fraternité aux « autres », à ceux qui seraient spécialistes de la charité chrétienne. (Par exemple : « Au Secours Catholique de s’occuper des pauvres ! »). Or, si les évêques de France ont proposé une démarche intitulée « Diaconia 2013 – Servons la fraternité », c’est justement pour que chaque baptisé reprenne conscience qu’il doit vivre la charité du Christ selon ses possibilités et qu’il ne peut s’en décharger

La deuxième tentation, c’est celle de l’isolement, du repli sur soi ou sur un groupe. N’est-il pas fait reproche aux catholiques de vivre souvent entre eux ? Dans l’Eglise n’y a-t-il pas trop de « cloisons étanches » entre générations ? entre milieux de vie etc.

A réfléchir ensemble

Je vous invite à réfléchir, seul[e] et avec d’autres (en EAP, équipes de mouvements, services et aumôneries), aux questions suivantes :

Quelle fraternité chrétienne je vis – nous vivons – :

en famille ? quartier ? village ? groupement paroissial ? doyenné ? diocèse ?

avec ceux qui ne partagent pas la même sensibilité chrétienne ?

avec ceux qui ne partagent pas notre foi ?

avec les personnes démunies, en souffrance ?

En ce temps de précarité grandissante pour beaucoup, c’est bien sur ce terrain large de la fraternité que nous devons agir. Comment l’améliorer ?

Quelles initiatives prendre ?

Proposition :

Lancer ou relancer les Petites Communautés Fraternelles de Foi (PCFF) telles que les proposait il y a déjà dix ans mon prédécesseur Gérard Daucourt (cf. sa lettre « Aux sources, au large » p. 62, 63). Certaines existent déjà « dans une grande diversité de forme, de style, de spiritualité » selon les personnes et les sensibilités (ce peut être par exemple une famille, une EAP, un groupe scout , une équipe de réflexion ou d’action catholique, un groupe de prière, une chorale etc).

Une PCFF est « un groupe pas trop nombreux pour que ses membres se connaissent suffisamment et entretiennent des relations fraternelles (et pas seulement pendant les réunions) ». Dans une PCFF :

Ses membres prient ensemble

Ils lisent la Parole de Dieu et, à sa lumière, réfléchissent puis décident d’agir.
Ils se soutiennent mutuellement pendant et en dehors des réunions. Ils ont le souci de faire naître d’autres PCFF, leur groupe est ouvert, accueillant et toujours prêt à se démultiplier.

Le but d’une PCFF n’est pas d’être un club sympathique, mais

de servir la progression spirituelle de chacun de ses membres et d’aider l’Eglise dans sa triple mission :

d’annoncer la Bonne Nouvelle de Jésus-Christ

d’en vivre dans notre société (cf. constitution conciliaire « l’Eglise dans le monde de ce temps » § 1)

et de le célébrer, notamment par la prière et la fidélité à l’Eucharistie.

Tout chrétien devrait être membre d’une petite communauté fraternelle de foi.

Pour vous aider à entrer dans cette année de rénovation spirituelle, je vous invite à relire et à méditer les chapitres 1 et 2 des Actes des Apôtres, ainsi que deux passages d’Evangile : Luc 10, 25 à Luc 11, 13 et Jean 15, 1 -17. Ces trois textes éclairent la double vocation de tout baptisé à la vie de prière et à la vie fraternelle.

Aujourd’hui, nous sortons de l’opposition stérile entre action et prière. Nous comprenons bien que l’une ne peut aller sans l’autre, l’action jaillit de la contemplation et la contemplation se vérifie dans l’action. Jésus a relié les
deux commandements de l’amour et les a pratiqués lui-même dans une belle synthèse de vie qui reste, pour nous tous, un exemple à méditer. Portés par l’Esprit, la Vierge Marie ainsi que de nombreux Saints et Saintes ont magnifiquement uni en eux ce double mouvement vers Dieu et vers les autres.

A leur suite, nous voulons le vivre aujourd’hui ici, en terre du Loiret, résolument « assidus à la prière » et « fidèles à la communion fraternelle ! »

En la Fête de tous les Saints, 1er Novembre 2011

+ Jacques BLAQUART, Evêque d’Orléans pour le Loiret