Lettre aux élus
Personne n’est trop pauvre pour n’avoir rien à partager…


C’est le message de l’Evêque d’Orléans et de son Conseil de la Solidarité, à l’occasion des élections municipales de mars 2014. La liste est longue de ceux qui font entendre des appels, des besoins devant les candidats futurs.
Qu’ont donc à dire ces responsables de l’Eglise catholique ?
Tout d’abord, ils veulent dire merci aux personnes qui acceptent de proposer leur concours au service du bien public, quand le temps pousserait à penser à soi d’abord ! Pour leur part, se faisant l’écho de ce que vivent et relatent bon nombre de chrétiens dans des associations, des responsabilités multiples, y compris municipales et politiques, ces responsables catholiques tiennent à partager leur expérience et à faire écho à quelques appels urgents.

« Personne n’est trop pauvre pour n’avoir rien à partager ! »

Ce slogan étonnant est fruit d’une expérience. A Lourdes, au printemps 2013, durant trois jours, l’Eglise a vécu et fait voir une société humaine conforme à ce qui nous semble l’essentiel : 12 000 personnes se déplaçant en petites fraternités, priant et débattant ensemble, gens de la rue, personnes handicapées, gens du voyage et
ceux de l’immigration…et même de la prison, personnes maltraitées de la vie avec leurs accompagnateurs indispensables et d’autres responsables de la société française et de l’Eglise.

Notre requête prioritaire est simple : Travailler ensemble à faire de la mixité de nos communes et territoires des lieux de la rencontre, du vivre ensemble et du respect… Et d’abord avec les moins bien lotis, pour reconnaitre et honorer leur dignité humaine, et plus encore changer les pratiques quotidiennes, administratives et politiques.
Les politiques publiques ne peuvent plus être élaborées « POUR » des bénéficiaires, des usagers, mais « AVEC » des personnes partenaires, concitoyennes, actrices.
Les collectivités communales, dont nous allons désigner les élus, ont une belle vocation : Elles sont ces lieux où des êtres humains différents habitent ensemble. Elles peuvent être parfois des lieux de violences mais aussi – avec le travail quotidien des municipalités, des associations, par des liens de voisinage – le terrain d’une
construction commune. Candidats aux élections municipales, entendez notre appel :

Avec tous les citoyens, et d’abord avec les plus maltraités, avec eux et jamais contre eux, contribuez à faire vivre cet espace où l’on expérimente que chaque personne peut devenir proche et fraternelle. « Quand on ne veut pas se faire frères des plus démunis, on les stigmatise, puis on les éloigne et enfin on les ignore. Quand on se fait proches d’eux, l’amitié nait et les peurs s’estompent » (Mgr Georges PONTHIER, Président de la Conférence des évêques de France, nov. 2013)

Notre appel n’est pas simple naïveté ni tissu d’évidences. Dans nos communes, les élus rencontreront des handicaps, des obstacles qu’ils devront dépasser. Vous qui vous présentez voulez vous les affronter et combattre un état d’esprit si souvent prompt à la division, à l’accusation, aux peurs et aux rejets ? Que vos convictions, vos
actes et vos paroles crient que toute personne fait partie intégrante de la communauté locale… N’acceptez jamais que des personnes immigrées soient traitées comme des envahisseurs dangereux ! Le brassage des populations est toujours un défi à relever, mais notre dynamisme social se nourrit souvent de ce
renouvellement.

Nos concitoyens âgés oublient parfois que les cotisations sociales ont besoin de cotisants jeunes.
Nous vous demandons de réaliser des choix ajustés à la mobilité des citoyens d’aujourd’hui (pour le travail, l’école, la santé, les loisirs…). C’est l’enjeu des regroupements territoriaux souvent complexes et parfois onéreux
(communautés diverses, cantons…). Il s’agit de permettre l’accès et l’usage d’équipements collectifs urbains à des populations qui résident dans des communes suburbaines. Quand l’utilisation du territoire est devenue commune, la gestion doit s’ajuster.
L’argent public se doit d’être utilisé avec rigueur, justice et justesse. Son utilisation répond à des visions du bien commun : quelle sera votre projet ? Les procédures et contrôles se multiplient mais sont-ils bénéfiques pour les pauvres ?

 Les gens du voyage attendent avec impatience que les élus municipaux mettent en oeuvre la loi française, qui leur accorde le droit à des terrains familiaux équipés, et demandent que chaque commune offre un terrain d’accueil digne. Beaucoup de difficultés pourraient se régler avec une petite dose de bienveillance !

 Les personnes handicapées, qui ne sont pas toujours entendues, demandent une application de la loi sur l’accessibilité. Pourquoi leur demande-t-on toujours et encore d’attendre ?

. Quand une commune interdit, seule, le stationnement des personnes prostituées sur son territoire, que règle-telle sinon la satisfaction d’un voisinage restreint ?

 Quand une petite association, qui accueille de jeunes mères étrangères à la rue pour un coût bien inférieur à celui d’une nuitée d’hôtel, se voit supprimer sa subvention, au risque d’être incapable de poursuivre cet accueil, quelle est la vision sociale ?

 Quand une décision supprime des postes d’éducateurs de prévention jeunesse, quelle est la vision ? Nous demandons des débats réels avec les personnes partenaires !

 Les logements sociaux sont toujours trop peu nombreux. Il y faut certes un engagement financier conséquent mais un accompagnement humain, proche et fraternel, parfois exigeant est aussi important. Certaines de nos associations témoigneraient positivement de cette expérience.
Ce dernier exemple – un parmi d’autres – montre que nous ne sommes pas seulement demandeurs mais aussi acteurs parmi les acteurs. Nous attendons de vous des encouragements, ou quelques soutiens institutionnels et financiers certes, mais plus encore, nous demandons votre engagement clair et déterminé. Les rigueurs
budgétaires du temps l’exigent : nous devons donner visage nouveau au vivre ensemble. Les enfants de notre pays l’attendent pour tracer leur propre chemin, un chemin de paix, de fraternité, où personne ne sera exclu, où la solidarité avec les plus vulnérables sera le fondement de notre vie ensemble. 19 Décembre 2013
Les responsables locaux des Mouvements et Associations du Conseil Diocésain de la Solidarité :

 Action des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture,

 Aide à l’Eglise en Détresse,

 Aumônerie de la Maison d’arrêt,

 Aumônerie des gens du voyage,

 Comité Catholique Contre la Faim et pour le Développement (Terre solidaire),

 Habitat et Humanisme,

 Maison Saint Euverte,

 Mouvement du Nid,

 Observatoire Economique Social Environnemental Diocésain (ORSEED),

 Ordre de Malte France

 Ordre de Saint Lazare,

 Pastorale de la santé,

 Pastorale des Personnes Handicapées,

 Secours Catholique,

 Service Diocésain de la Coopération Missionnaire,

 Service Diocésain de la Pastorale des Migrants,

 Société Saint Vincent de Paul

Jacques BLAQUART, évêque d’ Orléans ( décembre 2013)